Tenir son souffle jusqu’à faire taire le temps, c’est l’essence même de l’apnée. Cette discipline à la fois sportive et contemplative repousse les limites du corps et de l’esprit avec une précision quasi scientifique. Le record d’apnée n’est pas qu’un chiffre, c’est une aventure humaine, faite de technique, de physiologie et de sécurité absolue. Plongeons dans ses coulisses pour comprendre comment on frôle l’impossible et pourquoi cet exploit fascine autant.
💡 À retenir
- Le record d’apnée de 29 minutes détenu par Vitomir Maričić
- Les effets physiologiques de l’apnée sur le corps
- L’importance de la sécurité et des précautions lors de la pratique
Qu’est-ce que le record d’apnée ?
Parler de record d’apnée, c’est d’abord préciser de quelle discipline il s’agit. L’apnée se décline en apnée statique (retenir son souffle immobile à la surface), apnée dynamique (parcourir une distance en piscine, avec ou sans palmes) et apnée de profondeur (atteindre une profondeur et revenir, selon plusieurs modalités). Chaque catégorie possède ses règles, ses protocoles et ses instances d’homologation.
Un record d’apnée se mesure dans un cadre strict, avec des juges, un protocole de sortie et des critères de validité. En apnée, une performance n’est pas officielle si l’athlète ne réalise pas correctement la procédure de surface, s’il reçoit une aide non autorisée, ou si la sécurité n’est pas irréprochable. Cette rigueur protège les athlètes et garantit la comparabilité des performances à travers le monde.
Définitions et principes de base
En apnée statique, la performance est le temps. En dynamique, on mesure la distance parcourue à l’horizontale. En profondeur, on retient la profondeur atteinte et remontée dans différentes disciplines comme poids constant, bi-palmes, monopalme, no fins ou no limits. Selon les instances et les catégories, certains records distinguent les conditions d’équipement et de préparation.
Qu’il s’agisse d’un record en piscine ou en mer, l’athlète s’appuie sur des facteurs clés : économie d’oxygène, tolérance au CO2, relaxation mentale, hydrodynamisme et maîtrise des compensations. Derrière chaque record d’apnée se cache une préparation méthodique, souvent étalée sur des années.
Les techniques d’apnée

La performance se joue bien avant l’immersion. Les apnéistes optimisent leur respiration, leur tonus postural et leur état mental. À l’entraînement, ils travaillent des “tables” CO2 pour mieux tolérer les contractions et des “tables” O2 pour allonger le temps sous l’eau. Le contrôle de soi réduit la dépense énergétique, ce qui économise l’oxygène disponible.
L’hydrodynamisme, la glisse et la technique de palmage en dynamique, la descente équilibrée en profondeur et la gestion du stress en statique font la différence. Même un détail comme l’angle d’immersion au canard ou la position de la tête peut coûter des secondes précieuses. Le but est simple : faire plus avec moins.
Techniques de respiration
Avant une apnée, l’objectif n’est pas d’hyperventiler mais de se relaxer. Une préparation classique inclut :
- Respiration diaphragmatique lente, puis légère ventilation thoracique, pour abaisser le rythme cardiaque.
- Cohérence cardiaque ou compte respiratoire 4-7-8 pour installer le calme.
- Une dernière inspiration profonde, remplissage confortable (sans excès), fermeture douce de la glotte.
Les apnéistes avancés utilisent parfois le “packing” (insufflation glossopharyngée) pour augmenter le volume pulmonaire. Cette pratique est réservée aux experts, car elle peut perturber le retour veineux et augmenter le risque de syncope. Pour la profondeur, la maîtrise de la manœuvre de Frenzel sécurise la compensation au-delà de ce que permet Valsalva.
Autres leviers techniques : visualisation de la performance, échauffement progressif, relâchement du cou et des épaules, glisse propre. En eau libre, la descente en chute libre à partir d’une certaine profondeur réduit l’effort musculaire. Sur la ligne, on cherche un coulissement neutre pour épargner l’oxygène.
Les grands noms de l’apnée
Si le record d’apnée inspire autant, c’est parce qu’il s’inscrit dans une lignée d’athlètes hors normes. Des pionniers comme Jacques Mayol et Umberto Pelizzari ont ouvert la voie avec une approche à la fois scientifique et presque philosophique de l’immersion. Aujourd’hui, une nouvelle génération repousse encore les limites grâce à un entraînement structuré et à une connaissance fine de la physiologie.
Parmi les figures majeures, on retrouve des spécialistes de la profondeur, de la statique et de la dynamique. Alexey Molchanov a façonné la scène moderne des records en profondeur. William Trubridge a marqué le no fins. Alessia Zecchini et Alenka Artnik dominent le tableau féminin en grand bleu. Herbert Nitsch reste une référence pour les explorations extrêmes, tout en rappelant les risques inhérents à ce sport.
Vitomir Maričić et son exploit
Le Croate Vitomir Maričić a frappé les esprits avec un temps de 29 minutes en apnée statique, un jalon spectaculaire qui redéfinit la perception même du record d’apnée. Cet exploit n’est pas le fruit du hasard : il s’appuie sur une stratégie de récupération, un protocole respiratoire millimétré et une expérience approfondie des réponses physiologiques durant l’hypoxie.
Son approche illustre la maturité de la discipline : planification de saison, suivi des paramètres biologiques, affûtage mental et travail de sécurité avancé. Au-delà du chiffre, la performance de Maričić met en lumière l’équilibre entre maîtrise technique et respect des limites du corps.
Les enjeux de la pratique
L’apnée transforme le corps de l’intérieur. Dès l’immersion, le réflexe d’immersion s’enclenche : bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque), vasoconstriction périphérique et redistribution du sang vers les organes vitaux. La rate peut libérer des globules rouges, améliorant transitoirement le transport d’oxygène. Le CO2 grimpe, déclenchant l’envie de respirer et les contractions diaphragmatiques.
En profondeur, la pression comprime les volumes aériens, ce qui modifie la flottabilité et impose une compensation des oreilles et des sinus. Le risque de “lung squeeze” (microlésions pulmonaires) existe en cas de technique inadaptée. Les pertes de connaissance liées à l’hypoxie, notamment la syncope en surface et le “shallow water blackout”, sont les dangers majeurs que la communauté prend très au sérieux.